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/// DESIGN STORIES / Entretien avec Rudy Ricciotti
Le virtuose
du
BÉTON
RUDY RICCIOTTI
AGENCE RUDY RICCIOTTI
PARIS (FRANCE)
IL A LE SENS DE LA FORMULE AUTANT QUE CELUI DE
L’ESTHÉTISME EN FRANCE. PASSÉ MAÎTRE DANS LE
TRAVAIL CISELÉ DU BÉTON, L’ARCHITECTE FRANÇAIS
DE BANDOL FAIT DANSER LE CIMENT, ENTRE COURBES
ET DENTELLES. LE MUCEM À MARSEILLE, LE MUSÉE
COCTEAU À MENTON, LE DÉPARTEMENT DES ARTS
DE L’ISLAM AU LOUVRE, LE PAVILLON NOIR À AIX-EN-
PROVENCE... CHACUNE DE SES RÉALISATIONS, AUSSI
GRACILE QU’EMBLÉMATIQUE, EST UNE ODE À LA
BEAUTÉ. RENCONTRE SANS DÉTOUR À L’OCCASION DE
LA SORTIE DE SON DERNIER OUVRAGE, L’EXIL DE LA
26 BEAUTÉ, PARU AUX ÉDITIONS TEXTUEL*.
L'univers Rudy Ricciotti, c'est le béton, vous rendez beau Une métropole s'écrit également à l'échelle du pied. Quel est
et audacieux ce que d'autres considèrent comme froid. le rôle de l'architecte dans la vie de quartier ?
« Chapeau béton et fines dentelles », votre marque R.R. : L'architecte a la responsabilité de produire de la beauté
de fabrique ? durable et de la dignité. L'échelle pédestre paraît ridicule face
R.R. : Je ne fais pas de jeux de mots en architecture ; j'essaye à celle du regard, ouvrant un cognitif bien plus sensuel.
avant tout de faire des phrases en évitant les fautes, construire
un récit nécessite quelquefois de la présence féminine.
Au fil du temps et d’efforts scientifiques, mon travail est Les usages de la ville et des lieux publics aujourd'hui sont
devenu plus féminin, plus gracile. Il y a, dans la féminité, motivés par de nouveaux comportements et répondent à
du récit constructif, une véritable expérience scientifique, de nouveaux besoins. Vous constatez cette tendance de fond
poussée à l’extrême. dans les lieux publics de rendre beau ce qui est utile ?
R.R. : Ce n'est pas une tendance, c'est une urgence. L'enlaidis-
L'architecture aujourd'hui, est-ce aussi créer une nouvelle sement pathogène agit comme un virus... Je ne constate pas
temporalité, une rupture dans l'espace et le temps pour le beaucoup d'évolution. Au temps des névroses, aux addictions
spectateur, même fugace ? publicitaires, aux logos et au consumérisme, le pessimisme suit
R.R. : Le récit convoque la continuité et non la rupture ; il est son chemin, malgré le talent des architectes français.
primordial de rétablir une narration afin de refuser l'inexorable
exil de la beauté. Refuser l’exil de la beauté, votre nouveau combat ?
R.R. : Faire le choix de la beauté est aujourd’hui considéré
Stades, musées, universités à Lille, aujourd'hui avec Lillenium comme un engagement, une résistance. Je me bats contre la
un centre commercial musée... vos projets sont adressés à des faillite de l’esthétique. Si je n’ai pas de définition de la beauté,
publics très différents. Quelles en sont les problématiques je sais ce qu’est la laideur. Se battre contre l’enlaidissement
communes ? des villes, des paysages, c’est aussi une manière d’être patriote,
R.R. : En commun, la culture des métiers et l'opportunité de non ?
défendre des savoir-faire français et celle d'une économie
territorialisée. Vos réalisations comptent souvent des produits DELABIE,
vous connaissez ?
R.R. : Ah oui, les urinoirs ! J’y vois là la preuve que Marcel
Duchamp produisait français ! Ce qui, en tant que patriote,
*L'exil de la beauté, éditions Textuel, 2019 me convient très bien !
Crédit photo : © René Habermacher